Y a-t-il une dernière planète à découvrir ?

Pourrait-il y avoir une véritable neuvième planète qui tourne autour du Soleil ? La réponse est oui : il pourrait très bien exister, dans les lointaines marges du Système Solaire, un corps assez grand et influençant suffisamment son voisinage pour mériter le titre. Seulement, à une distance pareille, même un très grand objet serait particulièrement difficile à repérer, y compris avec les moyens actuels. Les recherches sont toujours en cours… Qu’est-ce qui donne aux scientifiques la foi de continuer cette quête ? Qu’espèrent-ils trouver ? Pourquoi est-ce important ? Éléments de réponse !

Pourquoi penser qu’il existe une neuvième planète ?

L’extrême limite du système solaire est pleine de corps glacés aux orbites étranges. Leurs trajectoires très elliptiques indiquent que quelque chose a perturbé leur course. En effet, un corps céleste en orbite autour d’une étoile conservera théoriquement une orbite pratiquement circulaire à peu près au niveau du lieu de sa formation dans le disque de débris originel. S’il ne le fait pas, c’est qu’il a été perturbé par un objet plus grand 1. Les preuves de ce mécanisme abondent parmi les corps bien connus du système solaire : les centaures sont régulièrement perturbés par les géantes et Pluton et sa famille présentent des signes de perturbations causées par Neptune, notre huitième planète

Plus loin que Pluton & compagnie, au-delà de la ceinture de Kuiper et des objets épars chassés là dès l’avènement du système solaire par les mouvements des planètes géantes en train d’ajuster leurs orbites, se trouvent les sednoïdes. Ceux-ci ont des orbites extrêmement excentriques, mais elles ne les amènent pas assez près des géantes comme Jupiter et Saturne pour que celles-ci soient la cause de leurs trajectoires. De plus, la composition des sednoïdes, glaces d’éléments très volatils pour l’essentiel, indique une formation dans des régions encore plus éloignées du Soleil. L’explication apparait comme une évidence pour certains astronomes très en vue 2 : une dernière grande planète existerait dans les confins du système solaire, perturbant les orbites des plus petits corps. 

Pourquoi une neuvième planète serait si dure à trouver ? 

Un astre de grande taille, avec les moyens actuels, ça ne devrait pas être très dur à trouver tout de même ! On arrive bien à obtenir des images du fin-fond de l’univers, alors on devrait bientôt avoir fini de passer notre arrière-cours au peigne fin ! Eh bien non, pas exactement… Le « fin-fond » de l’univers est fait d’objets et de matière émettant beaucoup de lumière et de chaleur, deux choses relativement faciles à trouver. Or, de la chaleur et de la lumière, notre neuvième planète n’en émettrait presque pas : à une telle distance, elle aurait très peu de lumière solaire à renvoyer, surtout si sa surface est sombre, et elle serait aussi incroyablement froide. Sans compter que malgré sa taille absolue respectable, elle nous apparaitrait incroyablement petite, et son déplacement très lent

De plus, on ne sait pas exactement dans quelle région du ciel chercher ! Toutes les planètes du système solaire que nous connaissons actuellement se déplacent sagement le long de l’écliptique, le « plan » du système solaire. Or notre neuvième planète hypothétique pourrait très bien ne pas se trouver sur ce plan. Après tout, elle non plus n’a pas pu se former là où elle se trouverait, région pauvre en matière. Elle a dû y être expulsée par les mouvements des autres planètes, et a pu s’y retrouver sur une trajectoire très excentrique (elliptique) et inclinée (non-alignée avec l’écliptique). Ce qui donnerait une zone de recherche presque aussi grande que le ciel au complet. Bien entendu, les trajectoires des sednoïdes donnent des indices sur l’orientation que son orbite pourrait avoir, mais la zone à investiguer reste immense 3

À quoi ressemblerait la neuvième planète ? 

Il est très difficile de répondre à cette question. Pour expliquer la configuration orbitale des sednoïdes, les astronomes convaincus de l’existence d’une neuvième planète tablent généralement sur un objet qui aurait 5 à 10 fois la masse de notre bonne vieille Terre. Avec une telle masse, cette planète pourrait être de deux types. Tout d’abord il pourrait s’agir d’une géante de glaces comme Uranus et Neptune, composée essentiellement d’hydrogène et d’hélium mêlés de méthane et d’autres composés volatiles ; elle serait seulement plus petite et plus légère que nos deux géantes bleues. Autrement, elle pourrait aussi appartenir à un type n’ayant pour l’instant pas de représentante confirmée dans le système solaire, celui des « Super-Terre ». Une super-terre est une planète essentiellement faite de roche comme la nôtre, mais bien plus grande 4. Son appartenance à l’une ou l’autre de ses catégories, si elle existe, nous renseignerait sur son lieu de formation et ce qui l’aurait conduite à sa place actuelle. 

Dans tous les cas, il s’agirait d’un monde incroyablement froid, dont les températures ne dépasseraient pas les —230°C et pourraient même être encore largement inférieures. S’il s’agit d’un monde tellurique, fait essentiellement de roches, il pourrait même ne pas avoir d’atmosphère, car celle-ci pourrait avoir entièrement gelé ! En revanche une telle taille pourrait aussi lui conférer une activité géologique endogène qui pourrait le réchauffer, entretenir une atmosphère et enfin remodeler sa surface, dont l’aspect reste quasi-impossible à prévoir. Il en va de même pour la couleur qu’aurait la planète neuf s’il s’agit d’une mini-neptune : si elle contient assez de méthane elle pourrait sembler bleutée, mais rien ne permet d’en être certain ; autrement, avec des concentrations plus élevées d’hydrogène et d’hélium, elle paraitrait plutôt blanchâtre. Dans tous les cas, quelle que soit sa nature, une telle planète pourrait très bien disposer d’une ou de plusieurs lunes ! 

Évidemment, il se trouve aussi des scientifiques pour avancer d’autres explications aux trajectoires étranges des sednoïdes et autres objets transneptuniens. Par exemple, une étoile qui aurait traversé le nuage d’Oort aurait pu avoir le même effet. Les recherches de la neuvième planète suivent leur cours à l’heure de l’écriture de cet article (début 2024). Y a-t-il vraiment une neuvième planète dans les confins du système solaire ? Il faudra peut-être encore des années avant que nous ayons une réponse définitive, qu’elle soit négative ou positive ! 

1  http://www2.ess.ucla.edu/~jewitt/kb/nice.html

2  https://www.scientificamerican.com/custom-media/biggest-questions-in-science/astronomer-mike-brown-on-the-solar-systems-outer-reaches/

3   https://www.livescience.com/space/astronomy/potential-discovery-of-a-dozen-objects-beyond-pluto-could-reveal-a-new-section-of-the-solar-system-we-never-knew-about#

4   https://science.nasa.gov/solar-system/planet-x/