Pluton et Compagnie !

Pluton, ancienne neuvième planète rétrogradée au rang de planète naine… À défaut d’être restée dans le club des grandes, elle se sera au moins vu faire un groupe dédié ! Car Pluton n’est pas seule tout là bas, dans le berceau des comètes : d’autres petites planètes toutes aussi étranges passent également l’essentiel de leur temps au-delà de l’orbite de Neptune. Difficiles à étudier, elle n’en porte pas moins d’étonnantes caractéristiques et d’intrigantes promesses. Petit tour d’horizon des plus « proches » transnéptuniennes !

Pluton, la rétrogradée 

Pluton fut découverte à l’issue d’une longue quête. Une quête qui devait découvrir la cause de supposées anomalies dans l’orbite de Neptune. Celles-ci s’expliqueront autrement (la masse de la géante avait été mal estimée 1), et ce fut un lointain avorton qui fut découvert en 1930. Les américains, qui avaient fait la découverte, clamèrent avoir trouvé une neuvième planète, mais sa taille semblait déjà douteuse 2. La découverte de sa compagne, Charon, en 1976, permit d’estimer sa masse, qui s’avéra ridicule : 0,2% de celle de la Terre ! Les doutes quant à son statut augmentaient… Et se ravivèrent au tournant des années 2000, avec la découverte, enfin, d’autres corps similaires dans la même région du système solaire. Dans une grande controverse, l’Union Astronomique Internationale (UAI) rétrograda Pluton au statut de planète naine, comme Cérès

Mais qui dit planète naine ne dit pas sans intérêt ! Pluton, qui est devenu le premier objet transneptunien visité par un engin robotique en 2015 (par la sonde New Horizons, après un voyage de près de dix ans 3), est un petit monde fascinant. Bien qu’elle ne mesure que 2 375 km de diamètre, Pluton présente des régions variées, avec des champs de cratères, des plaines toutes lisses de glace d’azote, des montagnes de glace d’eau… Indiquant que son intérieur est différencié et abrite peut-être encore un océan d’eau liquide ! De plus, Pluton forme un binôme assez unique avec sa compagne Charon. Charon est plus de moitié aussi massive et grande que Pluton, à tel point qu’elles se tournent plus l’une autour de l’autre que Charon ne tourne autour de Pluton : elles se présentent toujours la même face et tournent ensemble autour du même barycentre commun (un point d’équilibre gravitationnel). 

Un monde fascinant à part entière donc… Mais ce qui fait la planète naine pour l’UAI, ce n’est pas ses caractéristiques physiques intrinsèques,  ce sont les rapports de voisinage ! Selon l’UAI, les planètes doivent avoir « nettoyé » leur voisinage orbital. Or l’orbite de Pluton croise régulièrement celle de la géante Neptune… Enfin, régulièrement à l’échelle cosmique : une fois tous les 220 ans. Pendant 20 petites années à chaque orbite, Pluton se retrouve donc plus près du Soleil que Neptune. Mais les deux astres ne risquent-ils pas de se heurter ? Et bien non, principalement parce que l’orbite de Pluton est « inclinée » par rapport à l’écliptique, le « plan » du système solaire sur lequel orbite également Neptune ; Pluton est très éloignée de l’écliptique chaque fois qu’elle approche plus du Soleil que la huitième planète. Cette orbite étrange est due aux perturbations gravitationnelles causées par la géante glacée. 

Une petite famille bizarre 

Outre Pluton et Charon, plusieurs autres planètes naines remarquables (ou astres candidats à ce statut) orbitent dans la même région du système solaire, « un peu » au-delà de Neptune. Portrait de famille à part entière : 

  • Haumea : deuxième plus grande planète naine après Pluton à orbiter juste au-delà Neptune, Haumea fut découverte en 2003  dans des circonstances rocambolesques par deux équipes différentes. Nommée d’après la déesse hawaïenne de la fertilité, elle est vraiment étrange. Elle tourne très vite sur elle-même, en moins de 4 heures, a une surface incroyablement brillante à l’exception de ce qui semble être une tâche rougeâtre, dispose d’un système d’anneaux, de deux petites lunes (Hi’iaka et Namaka, noms d’autres déesses du panthéon hawaïen) et surtout, elle mesure environ 2 100 km dans sa plus grande dimension mais seulement 1 000 dans sa plus petite longueur ! Haumea ressemble donc à un ovoïde brillant en rotation rapide… Sans doute le résultat d’un impact monstrueux. 
  • Makemake : troisième plus grande planète naine de la région, Makemake a été découverte en 2005 et porte le nom du démiurge de Rapanui (anciennement Île de Pâques). Il mesurerait un peu plus de 1 400 km de diamètre. « Mesurerait », car à une telle distance, il est très difficile de ne déterminer ne serait-ce que sa taille exacte.  
  • Quaoar : ce nom pour nous ardu à prononcer provient de la mythologie de certaines tribus natives de Californie et a été choisi juste après sa découverte en 2002. Quaoar mesurerait un peu plus de 1 140 km de diamètre et serait de couleur brunâtre plutôt que blanchâtre. Il disposerait également de fins anneaux et est accompagné d’une petite lune, Weywot, qui ne dépasserait pas 200 km dans sa plus grande dimension. 
  • Orcus : Orcus forme un « système binaire » avec sa (proportionnellement) grande lune Vanth. Le premier mesure environ 970 km de diamètre, la seconde environ 435, et ils se tournent autour à la façon de Pluton et Charon. Leurs noms proviennent de la mythologie étrusque : bourreau des damnés pour le premier, guide des âmes pour la seconde. Le couple met 245 années terrestres à faire le tour du Soleil ; des chiffres raccords avec le reste de la famille ! Sa découverte date de 2004. 
  • Varda : Varda a été découverte en 2003 ; de façon originale, son nom provient d’une œuvre de fiction, puisqu’il est issu de l’œuvre de J.R.R. Tolkien ; Varda y est une créature de nature quasi-divine, créatrice et généreuse. L’astre, lui, mesurerait environ 740 km de diamètre ; on lui connait un satellite de plus de 320 km de diamètre, Ilmarë, dont le nom est celui de la servante de Varda dans la cosmogonie du Seigneur des Anneaux. On ignore si Varda est assez dense pour s’être entièrement différenciée, et son statut de planète naine n’est pas confirmé.  
  • Ixion : Ixion est un membre « typique » de la famille des grands corps transneptuniens que nous connaissons déjà. Il mesure environ 710 km de diamètre, est sphérique et est un candidat sérieux au statut de planète naine. Depuis sa découverte en 2001, il a pu être inféré que sa surface est particulièrement sombre. Son nom est celui d’un personnage tragique de la mythologie grecque, prince ayant tué son beau-père avant de devenir fou de culpabilité. Ambiance !
  • Varuna : découvert dès de 2000, Varuna fut nommé d’après le dieu créateur de l’hindouisme. De très petite taille (600 à 450km de diamètre) et tournant rapidement sur lui-même, Varuna a probablement une forme ovoïde, comme Haumea. Son intérieur pourrait ne pas être différencié, ce qui le priverait du statut de « planète naine ». 

Tous ces astres orbitent à peu près dans la même région que Pluton, région qu’ils dominent de leurs masses et de leurs tailles. Mais cette région, la ceinture de Kuiper, comporterait aussi des milliers, peut-être des dizaines de milliers d’autres objets glacés. La quête ne fait que commencer… 

1 https://www.astronomy.com/science/could-the-hypothetical-planet-nine-have-altered-neptunes-orbit/

2  https://www.vanderbilt.edu/AnS/physics/astrocourses/ast201/pluto_tombaugh.html

3  https://science.nasa.gov/mission/new-horizons/