Au-delà de l’orbite de Neptune s’étendent d’immenses profondeurs difficiles à étudier. À cette distance, de 30 à 50 fois celle qui nous sépare du Soleil, il fait extrêmement froid et très peu de lumière parvient de notre étoile… Pourtant, les recherches astronomiques de ces dernières années ont révélé beaucoup de choses sur les marges glaciales et obscures du système solaire. Elles s’ouvrent par un monstrueux anneau de débris : la ceinture de Kuiper.
Nouvelle frontière
La découverte de Neptune en 1846 l’avait prouvé : la frontière du système solaire pouvait reculer, encore et encore. Quelques décennies plus tard, en 1930, l’identification de Pluton ne laissait plus de place au doute ; puisqu’on en connaissait désormais un de petite taille, il devait statistiquement exister d’autres objets « ultra-neptuniens », extrêmement éloignés de nous. Le cortège du Soleil pouvait être encore plus étendu que cru précédemment… Les spéculations allèrent bon train dans les cercles astronomiques au sujet de ce qui devait être un ensemble de petits corps glacés.
Un certain Gerard Kuiper, parmi d’autres, avança en 1951 qu’il avait pu exister un disque de débris glacés à la limite du système solaire. Cette matière se serait condensée là dès la naissance de notre étoile et de son cortège de planètes mais, du fait de sa faible densité, elle n’aurait jamais réussi à s’agglomérer pour former un corps aussi massif que Jupiter ou même que la Terre par exemple. Les interactions de ces objets entre eux et avec Neptune auraient d’ailleurs fini par perturber leurs orbites ; cela les auraient éjecté soit vers l’espace profond, soit vers le système solaire interne, donnant naissance aux comètes. Pour Kuiper, il n’y avait donc plus de ceinture…
Cependant, un bon nombre de comètes à courtes périodes (moins de 200 ans entre chaque passage) n’ont pas encore été entièrement vaporisées par leurs passages au plus proche du Soleil. Cela signifie que le « réservoir » primordial dont elles proviennent n’a pas été vidé au cours des 4,5 milliards d’années d’existence de notre système solaire. L’article scientifique faisant ce constat en 1980 mentionnait le nom de Kuiper, qui est donc resté pour la ceinture théorisée 1. Finalement, enfin, en 1992, un autre objet transneptunien fut repéré : le minuscule Albion, un glaçon d’un peu plus de 100km de taille. Six mois plus tard à peine, une autre boule de neige salle primordiale était trouvée, et ainsi de suite. À l’heure actuelle, plusieurs milliers d’objets de la « Ceinture de Kuiper » nous sont connus, Pluton et consœurs incluses !
Des Restes dynamiques
Nous n’avons identifié qu’une fraction des corps qui composent la ceinture de Kuiper, mais les membres que nous connaissons nous en donnent déjà une image singulière. À certains égards, la ceinture de Kuiper est comparable à la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter : des objets pour la plupart irréguliers éparpillés sur d’immenses distances. De plus, il s’y répartissent aussi en différents groupes, des « familles » liées par leurs interactions plus ou moins prononcées avec la planète dominante des parages, à savoir Neptune, ou encore par leurs possibles origines. Tous ces corps sont également des « restes » délaissés et relativement peu altérés de la formation du système solaire.
Il existe cependant des différences substantielles avec la ceinture d’astéroïdes « interne ». La plus significative tient sans doute à la taille absolue : les orbites des astéroïdes entre Mars et Jupiter s’étendent entre 2,1 et 3,5 UA (Unité Astronomique, la distance moyenne entre la Terre et le Soleil), ceux de la ceinture de Kuiper orbiteraient entre 30 et 55 UA de distance au Soleil 2 ! De plus, beaucoup d’entre eux ont des orbites très inclinées par rapport à l’écliptique, le « plan » principal du Système Solaire ; cela confère à la ceinture de Kuiper moins une forme de disque que de donut ! Enfin, les statistiques prédisent que la ceinture de Kuiper doit être 20 à 200 fois plus massive que sa cousine interne !
Ajoutons enfin une autre différence importante : les corps composants la ceinture de Kuiper ne sont pas faits de roches et de métaux, comme ceux de la ceinture interne. À la place, ils se composent essentiellement de glaces diverses : méthane, ammoniac, azote, dioxyde de carbone, hydrocarbures et eau ! Des composés particulièrement volatiles, comme nous pouvons le constater régulièrement depuis l’aube des temps 3. Comme mentionné plus haut, il a été déduit que le chaos de la ceinture de Kuiper entraîne parfois certains de ses membres vers l’intérieur du système solaire. Les glaces qu’ils contiennent commencent alors à se vaporiser à l’approche du Soleil et de sa chaleur, donnant à ces comètes leurs chevelures brillantes 4 qui nous fascinent depuis toujours ! Les messagères d’une lointaine relique…
1 ↑ https://www.astronomy.com/science/the-kuiper-belt-by-any-other-name-is-just-as-cool/
2 ↑ https://science.nasa.gov/solar-system/kuiper-belt/facts/
3 ↑ https://en.wikipedia.org/wiki/Observational_history_of_comets
4 ↑ https://skyandtelescope.org/astronomy-resources/why-do-comets-have-tails/