Vénus, « l’Étoile du Berger », a longtemps fasciné : son intense éclat dans le ciel nocturne lui a valu une place à part dans les cultures antiques et elle fut ensuite le principal objectif des premières sondes spatiales. Ses épais et superbes nuages brillants, imaginait-on dans les romans de science-fiction des années 1930 à 1950, cachaient peut-être un monde-éden comparable à la Terre. La vérité s’est avérée très différente, mais pas moins fascinante… Et peut-être prémonitoire.
Vénus, si similaire et si différente…
Vénus est, après le Soleil et la Lune, le troisième objet le plus brillant de notre ciel ; dans les bonnes conditions, elle peut même projeter des ombres la nuit ! Elle a immédiatement attiré l’œil humain, au point que, par exemple, les anciens Mayas alignaient leurs conflits sur ses positions dans le ciel 1. C’est en observant ses phases que l’astronome et physicien pisan Galilée raffermit sa conviction que les planètes tournaient autour du Soleil et non de la Terre. De même, c’est par ses transits devant le disque solaire que nous avons pu calculer précisément à quelle distance de notre étoile nous orbitons.
Entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle un portrait sororal de Vénus se dessina à travers les observations :
- Vénus mesure 12 102 km de diamètre, soit 94,8% de celui de la Terre (12 742 km)
- Vénus a une masse équivalente à 81,5% de celle de la Terre
- Venus a une densité moyenne égale à 95,2% de celle de la Terre
- Venus a une gravité de surface égale à 90,6% de celle de la Terre
- Venus a probablement une composition et une structure similaires à celles de la Terre, avec un noyau ferreux et un manteau rocheux
Ces caractéristiques font de Vénus la planète la plus similaire à notre bonne vieille Terre dans le système solaire. Une véritable jumelle de la Terre donc, mais une jumelle ayant connu un destin fort différent, comme le confirmèrent les premières sondes à la visiter au début des années 1960 :
- Vénus est plus chaude que Mercure (qui orbite pourtant plus près du Soleil) ; des pôles à l’équateur, de jour comme de nuit, la température vénusienne s’élève à plus de 460°C, la faute à une atmosphère essentiellement composée de CO2, puissant gaz à effet de serre piégeant la chaleur
- La pression atmosphérique au niveau de la surface de Vénus s’élève à 92 bars ; pour ressentir une telle pression sur Terre, il faudrait plonger 900 mètres sous le niveau de la mer. Du fait de cette pression extrême, l’atmosphère au niveau du sol ne se comporte même plus comme un gaz mais comme un fluide supercritique aux propriétés physiques étranges…
- Les nuages blancs coiffant l’atmosphère de Vénus et lui donnant son albédo* sont composés de gouttelettes d’acide sulfurique et sont agités de vents extrêmement violents. Du fait de leur épaisseur, le Soleil n’est pas directement visible depuis la surface de la planète
- La planète met 243 jours terrestres à tourner sur elle-même… avec un sens de rotation « inversé » par rapport à celui suivit sur son orbite en 224,7 jours (et par rapport aux autres planètes du système solaire). Cette rotation « rétrograde » lui confère des « jours » et des « nuits » longs de plus de 1 400 heures chacun.
- La surface de Vénus est extrêmement plate et géologiquement très jeune, présentant de très nombreux volcans mais pas de plaques tectoniques. L’absence de ces dernières empêche l’énergie et la chaleur s’accumulant dans son noyau de s’épancher régulièrement, conduisant sans doute à des éruptions vénusiennes globales remodelant l’intégralité de sa surface tous les 500 à 600 millions d’années.
On pourrait difficilement envisager un monde plus différent de notre planète bleue… Cela étant, à 50km d’altitude, la température, la pression et le niveau de radiations pourraient être suffisamment cléments pour permettre une survie « facile » à bord de ballons dirigeables remplis d’air humainement respirable. Une idée suffisamment crédible pour que la NASA en présente un concept en 2014 2 !
Comment Vénus a-t-elle fini dans cet état ?
Faire de Vénus la première cible planétaire de missions habitées fait sens à plusieurs titres, la vie dans des aérostats vénusiens étant théoriquement moins difficile que dans des bunkers martiens. De plus, cela permettrait aussi de mieux cerner comment Vénus a fini dans cet état. Pour l’instant, le scénario le plus probable est le suivant :
- Vénus se forme en même temps que les autres planètes durant la genèse de notre Système Solaire, il y a plus de 4,5 milliards d’années ; elle présente alors des caractéristiques de surface similaires à celles de la Terre à la même époque, notamment avec d’importantes quantités d’eau liquide en surface (ce point reste controversé)
- Parce qu’elle orbite plus près du Soleil que la Terre, Vénus se réchauffe plus rapidement que notre planète. Ses océans s’évaporent à un rythme plus rapide et la vapeur d’eau étant elle-même un puissant gaz à effet de serre, le processus s’emballe en quelques dizaines à quelques centaines de millions d’années.
- Sans puissant champ magnétique natif, l’atmosphère de la jeune Vénus est plus fortement soumise au rayonnement solaire, qui « brise » les molécules d’eau, dont l’hydrogène s’échappe dans l’espace et l’oxygène se combine au carbone rejeté par le volcanisme pour former du CO2. En un ou deux milliards d’années, Vénus achève de prendre son aspect actuel.
La Terre pourrait-elle connaître le même destin ? Après tout, du fait de l’activité humaine, notre propre effet de serre est en train de s’emballer. Sans vouloir être trop alarmiste ou sensationnaliste, la question mérite d’être posée… Et, si nous ne voulons pas découvrir la réponse par nous-mêmes directement chez nous, nous ferions bien d’étudier plus en profondeur notre jumelle planétaire et de mieux traiter la seule des deux sœurs pouvant nous accueillir à sa surface !
Albédo (nom) : L’albédo est la capacité réfléchissante d’une surface. Dans le cas de Vénus, dont les nuages renvoient une majorité du rayonnement solaire, on parle d’albédo élevé.
1 ↑ http://artemis.austincollege.edu/acad/physics/dsalis/NS/ns/poot/The_mayan_world_of_venus.1.html
2 ↑ https://ntrs.nasa.gov/api/citations/20160006329/downloads/20160006329.pdf