« Une fois dans l’espace, vous êtes à mi-chemin de n’importe quel endroit ! » Cette citation est généralement attribuée à l’auteur de science-fiction Robert A. Heinlein. Dans cette maxime, il voyait le verre à moitié plein : une fois complètement libéré de la gravitation terrestre, plus rien ne peut nous ralentir et on peut aller où l’on veut ! Ou presque… Car le verre est aussi à moitié vide : atteindre un autre monde exige des efforts supplémentaires !
S’arracher à la Terre n’est pas une mince affaire : non seulement il faut réussir à s’extraire de notre atmosphère mais aussi atteindre une accélération suffisante pour ne pas rester en orbite autour de notre planète ! Cela accompli, on peut laisser les magouilles financières et politiques de notre monde derrière nous afin d’apprécier l’espace pour l’espace, avec tout ce qu’il a à révéler par la recherche. Sauf qu’à ce point, beaucoup reste à faire…
Précision à tous les niveaux
Notre première contrainte, pour arriver quelque part dans l’espace profond, est d’avoir un très bon cap. En gros, il nous faut choisir notre direction avec une précision extrême : un angle très légèrement dévié et vous n’arriverez jamais à destination ! On réalise difficilement à quel point tout est éloigné dans l’espace, mais les distances même au sein de notre système solaire sont délirantes. Un centième de degré d’erreur de navigation est tout sauf insignifiant pour un voyage de plusieurs millions de kilomètres, quand il s’agit d’atteindre un caillou perdu 1 ! Et encore, cette considération ne prend pas directement en compte les mouvements des astres…
Car tout bouge dans l’espace ! La Terre poursuit continuellement sa course autour du Soleil, tout comme les autres planètes et leurs lunes respectives autour d’elles. Au moment d’envoyer notre engin nous devons donc prendre en compte notre propre position dans l’espace et calculer très précisément sa vitesse pour qu’il croise la route de sa destination pile au bon moment… Des opérations mathématiques tout sauf simples 2 ! D’autant que, en raison des distances faramineuses, il peut s’écouler plusieurs années avant que notre appareil croise effectivement sa destination. Il faut donc bien tout prévoir avec une minutie absolue…
Contraintes inattendues
Admettons que cette fois-ci ce soit la bonne : nous sommes lancés dans la bonne direction et le timing a été parfaitement calculé ! Ne reste plus qu’à arriver en douceur… Ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Dans le vide de l’espace rien ou presque ne nous ralentit beaucoup, du fait de l’absence d’air. La vitesse acquise par notre sonde sera donc conservée jusqu’à la fin de son voyage. Si l’on vise directement notre destination, on va s’y écraser, tout simplement… Et si l’on vise à côté, on effectuera seulement un bref survol. Cette dernière solution est d’ailleurs privilégiée dans certains cas, notamment par la NASA 3 lors de la visite de Pluton et ses lunes.
Évidemment, idéalement, on voudrait pouvoir se mettre en orbite autour de notre destination plutôt que de seulement la survoler ! Pour cela, nous avons deux options. La première serait d’avoir assez de carburant pour ralentir ; comme nous le savons, il est compliqué d’envoyer des masses importantes avec nos fusées, cette solution est donc rarement adaptée. La deuxième consiste à laisser notre destination, en fait sa gravitation, nous capturer (si celle-ci est assez importante). La méthode marche bien avec l’énorme Jupiter 4. Pour des destinations plus originales, comme Mercure, il faut louvoyer en se ralentissant juste assez pour être happé par la planète mais pas par le Soleil à proximité 5. Dans tous les cas, c’est encore une affaire de calculs très précis !
On le comprend, atteindre une autre planète ou une autre lune est une affaire de calculs incroyablement précis, de moyens considérables… Et de ténacité ! Et pourtant, nous avons déjà envoyé des dizaines de sondes au-delà de l’orbite terrestre, nous rapportant des savoirs et des idées qui nous font encore rêver !
1 ↑ https://science.nasa.gov/learn/basics-of-space-flight/chapter13-1/
2 ↑ https://fti.neep.wisc.edu/fti.neep.wisc.edu/_jfs/neep533.lecture9.trajectories.99.html
3 ↑ https://pluto.jhuapl.edu/Mission/Questions-and-Answers.php#mission-01
4 ↑ https://www.nationalgeographic.com/science/article/nasa-juno-mission-jupiter-arrives-orbit-planets-space
5 ↑ https://sci.esa.int/web/bepicolombo/-/48871-getting-to-mercury