D’innombrables lunes orbitent autour de Saturne. Parmi elles, sept sont assez grandes pour avoir adopté une forme au moins à peu près sphérique : Titan, Rhéa, Japet, Dioné, Téthys, Encelade et Mimas. De ces astres nommés pour la plupart d’après les titans, êtres de la mythologie gréco-romaine appartenant à la génération du dieu Saturne, trois se distinguent tout particulièrement et méritent leur place dans le palmarès des objets les plus remarquables du système solaire !
Titan, évidemment
Titan, découverte en 1655, mérite bien son nom : elle est la seconde plus grande lune du système solaire après Ganymède, étant également plus grande que Mercure avec un diamètre de 5 148 km, et elle est de très loin la plus grande et la plus massive des lunes de Saturne, représentant 96% de la masse en orbite autour de la géante. Cependant elle dispose d’autres caractéristiques plus étonnantes encore :
- Titan est entourée d’une très épaisse atmosphère d’azote masquant ses reliefs depuis l’espace. En fait, en dépit de sa gravité égale à seulement 13% de celle de la Terre, Titan dispose d’une atmosphère 1,5 fois plus dense que celle dans laquelle nous vivons (au niveau de la mer). Titan est la seule lune du système solaire à disposer d’une telle atmosphère !
- Sous son épaisse atmosphère se cache un monde plus étonnant encore : une croûte de glace d’eau érodée par le vent et surtout par des écoulements de méthane liquide formant pluies, rivières et même lacs ! Avec sa température moyenne de — 179°C, le cycle atmosphérique de Titan repose sur le méthane et les hydrocarbures et non pas sur l’eau ! Cette richesse chimique alimente d’ailleurs les spéculations plus ou moins sérieuses concernant la présence de formes de vie à la chimie exotique à sa surface.
- Sous sa croûte de glace d’eau, Titan abriterait un océan d’eau liquide directement en contact avec son noyau rocheux géologiquement actif. Cette caractéristique peut être inférée grâce à la présence de ce qui semble être des « cryovolcans » à sa surface ; de la « lave d’eau » s’épancherait de ces curieuses montagnes !
Japet aux deux visages
Avec seulement 1 492 km à 1 424 km de diamètre, Japet n’a au premier abord pas de quoi impressionner ; elle est plus de 2 fois plus petite que notre lune et 40 fois moins massive ! C’est une grosse boule de glace d’eau mélangée à un peu de roche (à hauteur de seulement 20% environ de sa masse). Qu’est-ce qui rend donc la troisième plus grande lune de Saturne si spéciale ? Eh bien elle présente plusieurs bizarreries vraiment, VRAIMENT notables :
- De toutes les grandes lunes de Saturne, Japet est celle qui orbite le plus loin de la planète-mère. Elle tourne autour d’elle à une distance moyenne de 3,56 millions de kilomètres (plus de 9 fois celle qui sépare la Terre de la Lune). Elle boucle une orbite autour de Saturne en un peu moins de 80 de nos jours, tout en présentant toujours la même face à sa planète. Cela sur un plan qui s’avère notablement incliné par rapport à celui des anneaux et des autres satellites.
- Évidemment, Japet est surtout célèbre pour son aspect EXTRÊMEMENT contrasté : la bande équatoriale de l’hémisphère « avant » est très sombre, d’un brun rougeâtre, tandis que son hémisphère « arrière » et ses pôles sont d’un blanc éclatant. Cet aspect général absolument unique dans le système solaire proviendrait d’impacts de matériaux sombres sur l’hémisphère avant, matériaux provenant peut-être de lunes saturniennes mineures en orbite rétrograde. Par la suite, le rayonnement solaire, même à cette distance, aurait sublimé la glace autour de ces dépôts sombres, augmentant encore le contraste japetien.
- Une crête équatoriale vertigineuse parcourt la totalité de son hémisphère sombre et des montagnes isolées suivent cet axe sur son hémisphère clair. Les points les plus hauts de cette crête équatoriale culminent 20 km au-dessus de la plaine globale de Japet : ils comptent parmi les plus hautes montagnes du système solaire ! Cette caractéristique est visible à des dizaines de milliers de kilomètres de distance, conférant à Japet une forme un peu comparable à celle d’une noix ! Pour l’instant, astronomes et physiciens ne peuvent expliquer la formation de cette étonnante chaîne montagneuse.
Encelade, petite et grosse surprise
Rien ne prédestinait Encelade à surprendre les astronomes : après tout, elle mesure à peine 500 km de diamètre pour une masse 714 fois inférieure à celle de la Lune ; sa superficie totale d’environ 800 000 km2 n’est que légèrement supérieure à celle de la Turquie, 36ème plus grand pays du monde, et sa gravité de surface ne vaut que 1% de celle que nous ressentons ! Selon toute vraisemblance ce ne devait être qu’un gros glaçon plein d’impuretés et totalement inerte. Et pourtant, les sondes ayant exploré le système saturnien en ont donné une image fascinante :
- La surface blanche ultra-réfléchissante d’Encelade est extrêmement jeune géologiquement parlant, en grande partie dépourvue de cratères mais notablement striée de failles trahissant une origine dynamique, surtout au niveau de son pôle sud. Les signes probables de la présence d’un océan sous-glaciaire.
- Et cet océan s’est manifesté plus littéralement ! D’immenses geysers, soufflant jusqu’à 2 500 km au-dessus de la surface d’Encelade, s’élèvent régulièrement de son hémisphère sud. Ces panaches présentent une composition prometteuse : eau, sels, méthane et composés carbonés simples et complexes ! Pas des traces de vie au sens strict, mais des éléments très encourageants !
- Il semblerait qu’Encelade, qui orbite plus proche de Saturne que la Lune ne le fait avec la Terre, est largement réchauffée par les forces de marée exercées par sa planète-mère. Ce qui a pu permettre à sa matière de se différencier entre noyau rocheux actif, manteau aqueux liquide et croûte glacée, en dépit de sa taille. Ne reste « plus qu’à » envoyer une nouvelle sonde, avec des instruments plus perfectionnés, prélever des échantillons de la matière éjectée par les geysers enceladiens 1, pour voir si toutes ces conditions ont permis l’apparition de formes de vie, même simples…
1 ↑ https://www.space.com/30598-saturn-moon-enceladus-sample-return-mission.html