Envoyer quoi que ce soit dans l’espace est une opération extrêmement complexe et difficile. L’exploit de s’arracher à la gravité terrestre avec une fusée nous parait désormais presque banal, mais c’est uniquement parce que nous avons réussi à peaufiner le processus au fil des années ! De valeureux et valeureuses astronautes opèrent d’ailleurs régulièrement le voyage ! Le séjour dans l’espace lui-même, cependant, n’a rien de vraiment facile…
Se jucher sur une explosion contrôlée pour monter dans l’espace n’est pas le désir le plus naturel qui soit, même si notre curiosité et notre goût de l’aventure peuvent nous y prédisposer. Il faut endurer plusieurs g d’accélération 1, ce qui n’est pas à la portée de tous, mais la récompense est là : l’espace ! Son immensité noire qui emplit d’humilité, l’apesanteur donnant l’impression d’être libéré de tout… Autant de sensations avec lesquelles les problèmes commencent !
Déjà beaucoup de problèmes à proximité de la Terre
Commençons par rappeler une évidence : l’espace est (quasi) vide. En tout cas, il ne s’y trouve pas assez d’atomes pour espérer y accomplir quoi que ce soit (comme, à tout hasard, rester vivant), alors il faut tout emmener avec soi. Si vous allez dans l’espace, vous devez amener dans votre capsule tout ce dont vous pourriez avoir besoin : eau, nourriture et oxygène à respirer. Sur ce dernier point, il est également important d’avoir un moyen efficace de retraiter le CO2 que vous expirez avant qu’il n’atteigne une concentration toxique dans votre module ; il s’agira en général d’un système chimique 2. Dans tous les cas, vous devez quantifier précisément vos denrées et bien minuter la durée de votre séjour pour éviter d’être à court de quoi que ce soit !
Une fois ces questions surmontées, soit en emmenant suffisamment de choses avec vous au moment du départ soit en ayant droit à des missions de ravitaillement, vous devrez également composer avec les conséquences médicales d’un séjour spatial de plus de quelques jours. L’être humain a évolué sur Terre, avec sa gravité constante et son atmosphère protectrice. Privé de cela, notre corps rencontre rapidement des problèmes, au premier rang desquels la réduction de la masse musculaire et la perte de densité osseuse, qui peuvent rendre le retour sur Terre extrêmement douloureux. S’y ajoutent les radiations solaires et stellaires que plus rien ne filtre, endommageant constamment notre ADN et augmentant progressivement le risque de développer un cancer. Rester longuement dans l’espace n’a donc rien d’une sinécure 3 !
Encore pire dans l’espace profond
Les problèmes mentionnés plus hauts ne concernent que l’orbite terrestre ; aucun humain n’a transité très au-delà de l’orbite lunaire, et cela seulement pour des durées très courtes 4 ! En allant plus loin, les problèmes deviennent considérablement plus sérieux. La durée du séjour augmente forcément, et avec elle tous les besoins biologiques permanents de l’équipage. Emmener plus d’eau, de nourriture, d’air, de capacité à traiter l’air… Autant de choses lourdes et encombrantes. Il faudrait pouvoir apprendre à créer un habitat autonome, avec des plantes pouvant renouveler l’oxygène, absorber le CO2 et fournir la nourriture, mais on est encore loin de pouvoir créer un tel système. L’affaire est théoriquement faisable 5, mais restera à l’étude de nombreuses années encore.
S’ajoute une autre problématique purement humaine à un voyage dans l’espace profond : celle de l’isolement, l’isolement total, plus total que tout ce qui pourrait être connu sur Terre. La distance augmentant, les signaux radio, qui voyagent à la vitesse de la lumière, mettent de plus en plus de temps à atteindre leur destination ; au-delà d’un certain seuil, impossible d’avoir une conversation en direct avec une personne restée sur Terre ! Il faut donc se contenter de la compagnie de ses collègues, dans un environnement étriqué, de quoi vous taper rapidement sur le système 6. Enfin, on ignore complètement ce que pourront ressentir des explorateurs et des exploratrices lorsque la distance sera devenue si grande que la Terre se résumera, par le hublot, à un pâle point bleu… Une crise existentielle pourrait ne pas être du meilleur effet.
Pourquoi cette dernière réflexion ? Parce que, par le passé, les astronautes ont déjà ressenti un humble émerveillement en voyant notre planète depuis l’espace 7. Tous leurs proches s’y trouvaient, toute leur vie y avait eu lieu, sur cet orbe magnifique et si isolé dans l’hostilité de l’espace. Comment réagirons-nous, lorsque nous ne pourrons plus du tout voir précisément ce monde pour lequel nous sommes faits ? C’est l’ultime question posée par d’hypothétiques voyages humains vers Mars ou Vénus…
1 ↑ https://www.spaceanswers.com/space-exploration/what-g-force-do-astronauts-experience-during-a-rocket-launch/
2 ↑ https://www.jpl.nasa.gov/edu/teach/activity/the-air-up-there-making-space-breathable/
3 ↑ https://humans-in-space.jaxa.jp/en/life/health-in-space/body-impact/
4 ↑ https://www.scienceabc.com/nature/universe/farthest-humans-have-gone-space-apollo-13-moon-254-km.html
5 ↑ https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0016328716301380
6 ↑ https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0094576521000047
7 ↑ https://www.asc-csa.gc.ca/eng/youth-educators/toolkits/mental-health-and-isolation/overview-effect.asp