La communication est partout dans nos vies. Du matin au soir, nous communiquons, verbalement et textuellement, physiquement et numériquement, volontairement ou involontairement… Notre vie toute entière, en tant qu’êtres humains, est faite de communications, depuis des temps immémoriaux ! Mais que sait-on vraiment de la communication ? À quel moment nous, humains, avons-nous commencé à nous intéresser à ce sujet, et pourquoi finalement, alors qu’il est si naturel pour nous ?
Les plus anciennes traces écrites de notre intérêt pour la communication se retrouvent dans les vestiges et les connaissances élaborées par les civilisations anciennes. Dans l’Inde Antique était ainsi vénérée la déesse Vāc, une personnification (et une divinisation !) du langage dans sa forme la plus élevée, notamment la poésie 1. La Chine Ancienne a également enfanté très tôt, des siècles avant notre ère, des réflexions sur la manière de bien communiquer ses idées 2.
Les premiers « théoriciens »
Évidemment, c’est en Grèce, plus spécifiquement à Athènes, que la culture occidentale trouve la source de l’étude de la communication. Au moins dès le cinquième siècle avant JC. se multiplient les sophistes 3, des « experts » du fait d’asséner leurs vérités. Aspasie de Millet (compagne du dirigeant athénien Periclès), et dans son sillage Socrate, Platon et Aristote 4, décrient les sophistes et leurs tautologies. Déjà émerge la notion que la communication peut comporter des biais, et qu’il existerait de bonnes façons de communiquer ! Pour Aspasie et les trois grands penseurs qu’elle a influencé, la communication doit servir à faire admettre la vérité plutôt qu’à l’imposer : c’est l’émergence de la dialectique.
On doit également à la penseuse millésienne et à ses disciples une première « théorie » (le concept est anachronique) de la communication. Pour elle et eux, la communication ne peut exister sans prise en compte de l’audience et du contexte. Aristote élabore les concepts de logos, d’ethos et de pathos. Le logos est ce que l’on pourrait définir comme le « fond » de la communication, l’information dont la logique (de la est issu le terme !) doit devenir manifeste en écoutant l’orateur (ou l’oratrice). L’ethos est en quelques sortes la « crédibilité » de l’orateur (ou de l’oratrice), qui doit également être démontrée d’une façon ou d’une autre au cours de la communication. Enfin, le pathos consiste à également toucher la sensibilité de l’audience, à faire appel à ses sentiments, à travers la communication.
La lente complexification du concept de communication
L’art oratoire, ou rhétorique, tel qu’établi par les penseurs grecs et raffiné par les romains (Cicéron et Quintilien notamment) se maintient parmi les sept « arts libéraux » pendant le Moyen-Âge. Dès Saint-Augustin (antiquité tardive) la maîtrise de la communication devient un champ théorique puissant pour l’église chrétienne en pleine expansion. Il faut d’abord savoir rallier les gens à la cause de Dieu (pour les sortir du paganisme), puis leur faire connaître la vraie Parole (le Moyen-Âge n’est pas avare en querelles théologiques plus ou moins violentes). Évidemment, ce sont surtout les élites, et plus particulièrement religieuses, qui ont le temps et les moyens de théoriser le sujet.
C’est après la (plutôt mal nommée) Renaissance que de nouvelles façons d’envisager la communication (toujours à travers le seul spectre du langage humain) émergent. On les retrouve notamment avec le penseur relativement oublié Pierre de la Ramée (±1515-1572). Protestant français en pleine guerres de religion (il sera d’ailleurs tué au cours du massacre de la Saint-Barthélémy), il professe vigoureusement que la parole humaine n’a besoin ni de vérité ni de valeur morale pour rallier des personnes à une cause 5. Une perspective qui s’opposera aux idées dominantes de son temps et qui se maintiendront même au cours des siècles suivants.
À nouveau monde, nouveau champ d’étude
La communication n’émerge en tant que champ d’étude académique qu’à la toute fin du XIXème siècle, et n’est théorisée que dans la première moitié du XXème siècle. Cette institutionalisation de plus en plus poussée illustre évidemment les évolutions des universités, mais aussi les changements profonds que traverse alors le monde occidental. À la faveur de la révolution industrielle, l’urbanisation connait une augmentation sans précédent, tout comme l’alphabétisation et la production massive de supports de communication (journaux et livres puis cinéma, radio, télévision…). Il devient essentiel de comprendre comment ces changements peuvent influencer les populations, notamment avec l’émergence de la publicité et des campagnes électorales modernes 6.
Entre les années 1920 et les années 1960, principalement aux États-Unis, la communication devient une science. Elle devient un objet d’étude qui peut être analysé de façon quantitative et quantifiable. Cela passe par le recours à la sociologie, à la psychologie mais aussi aux mathématiques ! Le travail précurseur de Claude Shannon, créateur de la fameuse « Théorie de l’Information » à la fin des années 1940, donne un cadre précis pour étudier la communication. On peut désormais clairement définir dans quelles conditions se produit vraiment la communication, ce qu’elle transmet, dans quelles circonstances et enfin, à quel moment elle est vraiment efficace.
Enfin, après tant de siècles, nous sommes en mesure d’utiliser des grilles de lecture précises pour aborder la communication dans toute sa richesse, sa complexité, et ses implications !
1 ↑ https://en.wikipedia.org/wiki/Vāc
2 ↑ https://wac.colostate.edu/docs/books/kirkpatrick_xu/chapter1.pdf
3 ↑ https://plato.stanford.edu/entries/sophists/
4 ↑ https://www.workingclassicists.com/post/the-influence-of-aspasia
5 ↑ https://www.britannica.com/biography/Petrus-Ramus
6 ↑ https://socialsci.libretexts.org/Bookshelves/Communication/Introduction_to_Communication/Introduction_to_Communication_(Paynton_and_Hahn)/04%3A_History_of_Communication_Study/4.06%3A_New_School-_Communication_Study_in_the_20th_Century