Le mensonge, le plus grand danger de la communication ?

Toutes les communications ne sont pas bonnes à prendre ! Ainsi est-il généralement admis que le mensonge fausse la perception du monde et a des effets généralement néfastes. Nombre de personnes cherchent à s’en prémunir, au point de prendre toute communication avec de grandes précautions. Et pourtant, sa pratique reste répandue et l’a toujours été. On pourrait même dire que le mensonge a toujours fait partie du jeu de la communication. Alors, comment démêler la situation ? 

Le mensonge est une forme de communication comme les autres. Dans la majorité des typologies des éléments constituant la communication, la véracité de l’information transmise n’a pas vraiment de pertinence. L’émetteur ou l’émettrice peut finalement communiquer ce qu’il ou elle veut, sans forcément se soucier que son information transmise soit en conformité avec la réalité. L’information peut d’ailleurs être manipulée à dessein, pour parvenir à un objectif. Or, l’effet produit fait souvent partie des éléments clés pour une communication réussie. D’où la prévalence du mensonge dans le monde naturel.   

Les petits et les gros mensonges 

Tous les mensonges ne sont pas mauvais en soi, certains permettent même de renforcer la cohésion sociale ! Si l’on veut entrer dans des considérations lexico-métaphysiques, on pourrait avancer que toutes les fictions sont des formes de mensonges, des mensonges que nous savons faux mais auxquels nous avons adhéré. À un niveau plus prosaïque, les blagues, farces et canulars (quand ils n’ont pas des conséquences cruelles voire dangereuses pour les personnes visées) peuvent avoir un effet positif sur les relations entre les personnes. Ces types de mensonges peuvent créer un sentiment de connivence, de complicité et renforcer la cohésion d’un groupe 1 !

Évidemment, ce n’est pas là la première chose à laquelle on pense quand on parle de mensonge. On pense souvent aux mensonges qui peuvent avoir tout l’effet inverse : ruiner des relations ou faire prendre des décisions absolument désastreuses. À un niveau personnel, nous avons sans doute tous et toutes déjà été victime au moins une fois de calomnies plus ou moins sérieuses, ce qui est déjà suffisamment désagréable en soi. Cependant le mensonge peut prendre des proportions autrement plus importantes quand il est proféré par une personne disposant de canaux de communication très puissants et ce afin de faire prendre à la population des décisions qu’aucune réalité ne justifie 2. La propagande est une forme de mensonge… 

Les bons et les mauvais mensonges

Si certains philosophes grecs comme Platon ont débattu de ce qui constituerait de « bons » et de « mauvais » mensonges 3 (sur le principe de « toute vérité n’est pas bonne à dire »), c’est la morale chrétienne qui a vraiment chercher à réprimer toute pratique du mensonge chez les personnes sous son influence. Pendant des siècles, notamment à travers la confession catholique et un certain culte affiché de la honte, partagé par toutes les branches de la doctrine chrétienne, l’Occident a baigné entre deux idées paradoxales. La première est que le mensonge est un mal inhérent à l’expérience humaine et la seconde est que le mensonge est un crime horrible 4

Et pourtant, le mensonge reste répandu (pour autant qu’on le sache, car les menteurs et menteuses cherchent rarement à se dénoncer, surtout dans des études !). Il aurait même tendance à accroître sa présence, notamment dans des sociétés marquées par la corruption généralisée et l’hypocrisie 5. Dans un contexte de défiance généralisée, où les autorités morales ou politiques font le contraire de ce qu’elles déclarent, la population aurait plus tendance à elle-même mentir… Entraînant ainsi un cercle vicieux biaisant la communication pour produire des effets asymétriques, fortement positifs pour les uns et négatifs pour les autres… 

Le mensonge est au moins un sous-produit de notre intelligence, de notre capacité à organiser et à imaginer. Dans ce sens, il n’a pas systématiquement à être mauvais. Enfin, lorsqu’il a des conséquences négatives pour certains, ce n’est pas une rupture de la communication, mais paradoxalement une façon intelligente, quoi qu’éthiquement condamnable, de l’utiliser… Les lignes ne sont jamais claires et, en l’absence d’alignement entre les paroles et les actes de ceux qui doivent nous servir d’exemples, c’est à nous de nous protéger. 

1    https://www.everydaysociologyblog.com/2013/04/the-sociology-of-pranks.html

2    https://air.unimi.it/retrieve/handle/2434/237075/317549/rpbs-1-3-2.pdf

3    https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/689960

4    https://www.saet.ac.uk/Christianity/LawandTheologyintheWesternLegalTradition 

5    https://www.science.org/content/article/corrupt-societies-encourage-lying