Peut-on aller plus vite, plus loin, plus confortablement ?

Aller dans l’espace prend du temps, coûte cher, et sans que l’on puisse envoyer des charges extrêmement lourdes là-haut. Enfin, ça, c’est avec nos moyens actuels. Depuis le temps qu’on utilise des fusées chimiques, on devrait quand même avoir réfléchi à quelque chose de plus efficace ! Eh bien figurez-vous que oui ! Voyons ensemble quelles sont nos pistes pour la suite de nos voyages dans l’espace. 

On aurait tendance à imaginer le secteur aérospatial tourné entièrement vers l’innovation et les idées originales, mais cette industrie est par certains côtés extrêmement conservatrice ! Depuis des décennies, le secteur repose sur les mêmes principes technologiques pour envoyer quoi que ce soit dans l’espace. Et on ne peut pas le blâmer, étant donné les sommes colossales en jeu et les difficultés de l’entreprise. Cependant, on pourrait légitimement imaginer que les physiciens et les ingénieurs ont réfléchi à des solutions pour accélérer la cadence… Et oui, de nouvelles pistes se précisent pour faciliter et intensifier notre exploration de l’espace ! 

S’arracher à la Terre

Nous l’avons vu, la principale difficulté pour aller dans l’espace, c’est déjà de parvenir à s’arracher à la Terre. Un objectif coûteux, aussi bien en termes de ressources, de matières premières, de compétences… Et d’argent. La faute à nos fusées « classiques », dont la masse de la charge utile envoyée provoque une augmentation exponentielle de la quantité de carburant, et à leur usage « unique ». Heureusement, des pistes commencent à se profiler pour fluidifier les choses. Ainsi, on pourrait bientôt aller plus facilement dans l’espace avec : 

  • Des fusées réutilisables : C’est la solution pour l’instant promue par un certain milliardaire pas forcément connu pour les meilleures raisons 1. Les ingénieurs talentueux employés au sein de son entreprise travaillent en effet à la création de fusées à combustion chimique « classiques » pouvant être réutilisées. La technique semble proche de l’exploitation pleine et entière, et réduirait déjà beaucoup le coût financier et matériel des envois dans l’espace, pour des gains logistiques et matériels considérables. 
  • Des canons : le concept date de Newton mais a été écarté de la course à l’espace. Pourquoi ? Parce que l’accélération au lancement serait tellement brutale qu’elle pourrait endommager la charge à envoyer (et tuerait n’importe quel humain qui y serait chargé). Pourtant, l’expérience a déjà été tentée avec de la poudre noire « classique » dès les années 1960, prouvant sa faisabilité 2 ! Comme ce dispositif hypothétique est entièrement réutilisable et que le combustible utilisé pour le lancement est consommé directement au sol, la charge utile proportionnelle serait bien plus élevée ! De nouveaux essais, avec de l’hydrogène comprimé cette fois-ci pour lancer l’ogive 3, sont en cours !
  • Des catapultes rotatives hypersoniques : l’idée peut sembler loufoque, et pourtant… En faisant tournoyer un bras rotatif dans une chambre sous vide à une vitesse suffisante, et en lui faisant relâcher son projectile avec un timing parfait, on pourrait ainsi envoyer ledit projectile de taille moyenne dans l’espace, de façon rapide et économique ! Cela cependant toujours avec une accélération au lancement trop élevée pour des passagers humains… Une startup américaine s’est d’ailleurs déjà lancée dans la construction d’un prototype 4. Les premiers essais semblent prometteurs, mais de nombreux points techniques restent à confirmer. 

Si les catapultes et les canons tiennent leurs promesses de lancements rapides, fiables, sécurisés et économiques, alors on pourrait très bien les imaginer utilisés pour tous les envois de matériel dans l’espace, ce qui réserverait les fusées réutilisables aux humains. Peut-être que notre avenir proche dans l’espace passera par l’assemblage progressif de vaisseaux et de stations assemblées à partir de composants catapultés ou tirés depuis la Terre, avant d’être opérés par des astronautes envoyés avec des fusées perfectionnées ?

Voyager plus vite d’une planète à l’autre

C’est un autre point que nous avons déjà abordé : voyager d’une planète à l’autre n’est pas une entreprise aisée, même au sein du système solaire. Cela prend dans tous les cas du temps, car non seulement les distances sont colossales mais il faut en plus bien calculer son coup pour se mettre en orbite autour de sa destination et pas seulement la survoler : soit on doit ralentir, soit on doit arriver assez lentement… Heureusement, des modes de propulsion alternatifs permettront (peut-être) bientôt d’accélérer les choses. Ainsi, dans les décennies à venir, on pourrait atteindre plus rapidement d’autres astres du système solaire avec : 

  • Des moteurs ioniques : Sous ce nom surprenant se cache un principe simple, celui d’un champ électrique accélérant des ions dans une direction voulue ; leur éjection propulse l’engin, selon la troisième loi de Newton. Avec ce principe, pas besoin de réactif chimique comme dans une fusée classique, mais seulement d’électricité ! Évidemment, comme la poussée produite reste très faible, on ne peut que s’en servir dans l’espace, où la sobriété du système représente un gain considérable. Plusieurs sondes en ont d’ailleurs déjà été dotées, pour des résultats probants 5 ! Cela étant, une accélération notable acquise par cette méthode reste lente à atteindre…
  • Des voiles solaires : Dans l’espace, milieu (presque) vide, les photons émis par notre Soleil peuvent exercer une poussée sur un objet suffisamment léger. L’idée est donc de créer une toile très fine que le rayonnement solaire pourrait pousser dans la direction voulue avec une orientation bien calculée. Pas besoin de kilos ou de tonnes de carburant, seulement d’une voile très grande, bien pliée et facile à déployer ! Ensuite on peut s’en servir pour tourner autour du Soleil, atteindre la vitesse voulue et enfin s’éjecter vers la destination voulue, le tout relativement rapidement et sans se ruiner. Des tests grandeur nature ont déjà eu lieu 6 ! Il reste néanmoins à noter que, pour l’instant, cette technique ne se prêterait bien qu’à de (très) petits appareils. 
  • Des explosions nucléaires pulsées : Pour quelque chose de plus gros et de plus rapide, pouvant contenir des humains, la solution la plus réaliste sera le nucléaire. Pas sous la forme d’un réacteur crachant un « feu » continu dans l’espace, trop difficile à mettre au point et à assembler sur place pour l’instant, mais avec de simples… bombes. En effet, on peut « se contenter » de faire exploser régulièrement des ogives nucléaires à proximité de notre appareil pour que s’exerce sur lui une force le propulsant dans la direction voulue. Le tout étant plutôt léger et avec des capacités d’accélération impressionnantes. Pour des raisons évidentes, un tel système serait impossible à déployer dans l’atmosphère terrestre pour un lancement depuis le sol, mais une fois dans l’espace, l’environnement ne craindrait pas les radiations, et les passagers du vaisseau en seraient protégés par un épais blindage. Ce concept « simple » a sérieusement été étudié par la NASA 7 mais ne semble plus sérieusement envisagé à notre époque (on se demande bien pourquoi !). 

Moteurs ioniques et voiles solaires pourraient représenter l’avenir de l’exploration spatiale robotisée, avec des temps de voyage réduits ou (et ?) des quantités d’instruments et de matériel informatique augmentées grâce aux économies de poids réalisées sur le carburant ! Concernant la propulsion nucléaire spatiale, celle-ci est théoriquement déployable sans risques extrêmement élevées (les bombes ne seraient pas armées avant d’êtres dans l’espace, ce qui ferait que même en cas d’accident au lancement, les dégâts et les rejets radioactifs seraient « supportables »), mais il reste à voir si les agences spatiales sont prêtes à risquer d’écorner leur image avec cette technologie pour le moins polarisante…

Créer des vaisseaux et des habitats plus performants et agréables 

Nous savons à présent comment envoyer du matériel (et des humains) dans l’espace plus vite, plus économiquement et avec plus de sécurité, bref plus efficacement. Cependant, une fois là-haut, peut-on imaginer de se concevoir quelque chose de, disons, plus grand et plus confortable que la Station Spatiale Internationale ou la Station Spatiale Chinoise ? Pour ce faire, on pourrait imaginer avoir recours à des modules faits de textiles spéciaux qui puissent être gonflés une fois en orbite. Un concept qui commence déjà à se concrétiser 8 !

Cependant, pour quelque chose de plus grand et de plus durable, notamment à tout hasard un vaisseau habitable capable d’aller d’une planète à l’autre, il faudrait être capable de construire l’engin directement in situ et avec des matériaux « locaux » ! À l’heure actuelle, l’idée d’exploiter la Lune et les astéroïdes pour leurs matières premières (métaux, composés chimiques…) est de plus en plus sérieusement envisagée 9, avec des justifications économiques, sécuritaires ou nationalistes… Mais ce serait la méthode logique pour parvenir à créer des habitats autonomes, « fixes » (stations) ou « mobiles » (vaisseaux) à usage durable. Une vision qu’aucune loi de la physique n’interdit, mais qui ne se réalisera que si nous trouvons une motivation suffisante ! 

1   https://www.vanityfair.com/news/2022/04/elon-musk-twitter-terrible-things-hes-said-and-done 

2   https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_HARP 

3   https://newatlas.com/space/greenlaunch-space-cannon-gas-launch/

4   https://www.wired.com/story/inside-spinlaunch-the-space-industrys-best-kept-secret/

5   https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/SMART-1/Ion_drives_Science_fiction_or_science_fact

6   https://www.planetary.org/sci-tech/lightsail

7   http://large.stanford.edu/courses/2010/ph240/stetler2/

8   https://hackaday.com/2024/01/30/the-past-present-and-future-of-inflatable-space-habitats/

9    https://www.cnas.org/publications/commentary/a-sci-fi-concept-that-should-become-reality